J'ai visionné une capsule d'information de ma présidente syndicale hier et je dois avouer que j'ai du prendre quelques heures pour regrouper mes pensées afin d'ensuite prendre le temps de vous exprimer ma réaction suite à votre offre.
Les intentions sont claires. Encore une fois, on souhaite diminuer nos conditions de travail. Vous voulez qu'on soit plus mobile et donc que nous nous déplacions à travers notre CIUSSS, un territoire qui couvre 50 km. Vous nous voulez plus flexible en refusant de nous définir un port d'attache. Vous souhaitez également créer des postes de rotation sur les 3 quarts de travail ce qui nous offrirait aucune stabilité dans la conciliation travail-famille.
Et vous lorsque vous rédigez ces offres, le faites vous d'un bureau différent d'une semaine à l'autre? Travaillez vous de nuit et l'autre semaine de soir?
Je travaille au même hôpital depuis presque 15 ans. Je travaille en salle d'opération depuis 8 ans. Lorsque j'ai accepté mon poste, j'acceptais de faire de la garde ce qui implique que je peux être appelée à toutes heures de la nuit un 24 h par semaine et une fin de semaine par mois. J'ai un délai de 30 minute maximal lorsque je suis appelée pour une urgence.
Je peux vous confirmer que les dernières années ont été difficiles. Les gardes sont lourdes et reviennent plus souvent car de nombreuses infirmières sont maintenant à la retraite ou à la maison en épuisement professionel. L'effectif diminue mais la charge de travail augmente. Une collègue a trouvé un message dans un biscuit chinois il y a deux ans: ''les beaux jours sont à venir'' que nous gardons précieusement sur notre babillard comme lueur d'espoir.
Malgré ces dernières années difficiles, je me trouve chanceuse de travailler avec de superbes collègues. Nous sommes la même équipe depuis que je suis arrivée. Cette équipe, c'est ma deuxième famille. J'ai tout vécu avec elles, des réanimations, des décès, des gardes épuisantes, les naissances de nos enfants, un soutien professionel mutuel et surtout des amitiés des plus précieuses.
Je suis mère monoparentale et j'ai choisie d'habiter à 8 km du boulot ce qui me permet de me déplacer à vélo et à la course et laisser la voiture à la maison. Mes dépenses en essence sont à 20$ par mois. La proximité du boulot me permet également d'être présente pour mes enfants, d'aider avec les devoirs et de faire de bons repas. Mon poste de jour me permet de garder une stabilité familiale pour mes enfants qui grandissent avec un seul parent qui malheureusement doit travailler de longues heures.
Jusqu'à ce que je visionne cette capsule d'information, j'y croyais aux beaux jours. J'encourageais encore les jeunes étudiantes à choisir le métier d'infirmière.
Ma belle-soeur travaille pour une compagnie aérienne et obtient de généreux rabais sur ses billets d'avion. Mon beau-frère travaille pour une chaîne hôtelière et peut voyager partout dans le monde à petit prix. Certains milieux de travail offrent des privilèges à leurs précieux employés. Nous, professionels de la santé n'avons même pas le luxe de pouvoir passer plus vite à l'urgence lorque nous sommes malade. Ce n'est pas grave, car nous aimons notre travail, nos patients et nos collègues.
Si un jour par contre je dois me déplacer à travers le CIUSSS sur différents quarts de travail, j'ai bien peur que ma flamme pour mon métier s'éteigne car c'est ma famille qui en subira les graves conséquences. Mes enfants seraient privés de ma présence, de leur routine, de leur sentiment de sécurité, de l'aide aux devoirs, d'une mère épanouie. Je ne pourrais plus me déplacer à la course moi qui encourage à mes enfants ainsi qu'à mes patients de saines habitudes de vie. Serait-ce possible d'obtenir une compensation pour le prix de l'essence ou le transport en commun?
J'adore mon travail, mes patients, mes collègues et ma routine de vie. Les conditions sont difficiles mais les infirmières sont résilientes. Nous sommes capable d'en prendre. Nous avons par contre nos limites par respect pour nous et par amour pour nos familles.
L'importance des statistiques fait souvent surface dans mon milieu de travail. Mais il faut garder en tête que la qualité des soins des patients est prioritaire ainsi que la santé des gens qui administre leurs soins.
Lorsque j'étudiais en soins infirmier, le terme ''patient'' n'était pas accepté. Nous devions dire ''client-famille'' car la famille est au coeur de la santé. On nous soulignait continuellement l'importance de celle-ci. Nos conditions de travail ne devraient-elles pas réfléter cette importance? Il n'y a rien de plus important que la santé et celle-ci doit rester prioritaire pour nous tous. Derrière chaque diminution de condition de travail, il y aura de pauvres familles affectées.
Les beaux jours reviendront-ils?
Je le souhaite de tout mon coeur
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