Depuis quelque temps, je suis attentive aux discussions entourant le milieu de la santé, en particulier celles concernant les soins offerts dans les secteurs public et privé. On parle souvent des médecins qui naviguent entre ces deux mondes, et on compare régulièrement leurs avantages et leurs limite.
En tant qu’infirmière depuis 22 ans, dont 20 années passées dans le réseau public, j’ai eu la chance de vivre des expériences profondément enrichissantes. Ces années m'ont permis d’acquérir une grande expérience et une compréhension humaine du système. Aujourd’hui, je souhaite surtout rappeler que ces deux secteurs peuvent – et devraient – coexister. Je veux parler d’un mot qui est au cœur de bien des revendications depuis des décennies : le mot « choix ».
J’ai fait le saut vers le privé il y a deux ans, une décision mûrement réfléchie, motivée par plusieurs facteurs, notamment la possibilité de mieux organiser mon horaire en tant que mère monoparentale. J’ai également voulu prioriser ma santé physique et mentale, particulièrement face à la lourde charge de travail et aux horaires exigeants qui pèsent souvent sur les infirmières du réseau public.
Ce changement m’a permis d’offrir les soins de la manière dont je l’ai toujours souhaité : en accordant du temps aux patients, et cela commence par le temps passé avec eux, l'écoute active sans les presser.
J’ai ressenti une certaine culpabilité en quittant l’hôpital. J’étais aussi étonnée de découvrir que la clientèle du privé n’était pas nécessairement plus aisée. Les patients que je rencontre aujourd’hui sont les mêmes que ceux que je soignais dans le réseau public. La différence, c’est qu’ils choisissent de ne plus attendre. Ils veulent prioriser leur santé.
Au début, j’avais l’impression d’avoir trahi le public. Je m’étais toujours dit que jamais je ne ferais ce choix. Et pourtant, quelques mois plus tard – voire dès la première année – j’ai compris que j’étais à ma place.
Je repense notamment à une patiente venue nous voir en décembre. Elle s’était rendue trois fois aux urgences, renvoyée chaque fois chez elle malgré des saignements importants. Lorsqu’elle est finalement venue chez nous, elle a été rapidement diagnostiquée avec un cancer, puis transférée en centre tertiaire. Malheureusement, il était trop tard.
Dans d’autres cas, j’ai pu constater de manière très concrète que, lorsqu’une prise en charge rapide est possible, une belle collaboration avec le réseau public peut se mettre en place. Nous avons pu diagnostiquer, référer, et faire en sorte que les patients reçoivent les soins appropriés dans un délai raisonnable.
Ces expériences me confirment qu’une synergie entre le public et le privé est non seulement possible, mais nécessaire.
Dans un monde où tout semble devoir être divisé, je crois qu’il est temps de changer de discours. Il est plus que jamais essentiel de tendre vers l’harmonisation, plutôt que vers l’opposition.
Pouvons-nous permettre aux professionnels de choisir les conditions dans lesquelles ils souhaitent exercer ?
Pouvons-nous offrir aux patients le choix entre le public et le privé, selon leurs besoins et priorités ?
Lorsque je vois mes patients, je leur présente toutes les options. Une fois le diagnostic établi, s’il y a une intervention ou un traitement à prévoir, je leur explique les options : cela peut se faire dans le public ou dans le privé. Le choix leur appartient. L’autonomie du patient doit primer.
Je suis convaincue qu’une coexistence harmonieuse entre les deux systèmes est non seulement souhaitable, mais possible.
Aujourd’hui, je prends plaisir à exercer mon métier, sans compter les années qu’il me reste avant la retraite.
Ce que je souhaite profondément, c’est que nous puissions tous bénéficier d’un système de santé qui respecte les choix de chacun — qu’ils soient patients ou professionnels de la santé.
En unissant nos forces, nous pouvons offrir des soins de qualité à tous, peu importe le secteur dans lequel nous exerçons.
Le but ultime, c’est l’accès aux soins.
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