Instrospection d'une infirmière de cette pandémie qui perdure


Cette semaine j'ai vu dans ma mémoire mon premier patient covid. Sur une étage de fugueurs dans un CHSLD, personne ne fuguait en ce matin de Pâques, ce fameux matin ou j'ai demandé la permission à mes filles de repousser la chasse aux cocos afin d'aller aider nos aînés.. à mourir dans la dignité... Je suis arrivée un peu trop tard pour certains...

Cette image qui n'est pas classée très loin dans ma mémoire m'a fait réfléchir aux derniers mois, des réflections qui font jaillir tristesse, irritabilité, impuissance, fierté ainsi qu'une grande admiration.

Je n'ai pas le goût de parler de ma tristesse car celle-ci semble s'intensifier lorsque je lui laisse une place. Tout ce que je tiens à dire est que je m'excuse auprès de tous ceux qui nous ont quittés dans une dignité réduite faute de ressources et de cloches d'alarmes sonnées peut être trop tard. Le premier patient covid que j'ai apperçu du cadre de sa porte, je l'ai également vu partir vers l'au-delà, sa respiration se calmant enfin après de nombreuses heures à tenter l'impossible et se battre comme ces gens savent le faire...

Régulièrement, nos familles, amis(es) et voisins(es) nous ont demandés comment on allait et nous ont accompagnés avec de précieux gestes et encouragements. Au fil des jours et des semaines, le personnel s'est fatigué et l'espoir d'un répit fut interrompu par un mot puissant, le décret... Les vacances ont été réduites, les congés de maladie se sont accentués et les soldats restants tentent de tenir le fort. Sur les réseaux sociaux, une image d'une infirmière regarde devant elle alors qu'elle se fait poignarder avec des couteaux et des ciseaux. Des sondages s'affichent à savoir qui souhaite quitter la profession. Nos infirmières se sentent comme ça? Pour ma part, je n'ai aucun doute que j'aime mon métier mais de savoir mes collègues malheureux(ses) m'attriste et m'inquiète.

On me dit que je suis choyée d'avoir eu deux semaines de vacances... mais alors que cette phrase résonne en moi je pense à mes enfants qui ont vécu cette pandémie seuls à attendre mon retour et à vouloir tout faire pour alléger mon fardeau. J'aurais aimé leur donner plus de temps car ma gratitude et fierté à leur égard déborde et j'ai l'impression que je n'ai pu leur exprimer celles-ci. Au niveau académique, j'ai aussi l'impression de les avoir laissé tomber...

Ma fierté est envers toutes les infirmières, inhalo, préposés, médecins, préposés à l'entretien ménager qui ont affrontés cette pandémie sans canevas, prêts à changer de danse à tout moment, prêts à trouver des solutions des plus créatives et pratiquer les simulations pour affronter l'immensité de ces vagues d'incertitudes qui plongaient sur nous tous de tous les sens.

 Lorsque je suis allé en CHSLD j'ai rencontré des professionels de la santé d'un courage incroyable qui n'ont jamais baissés les bras malgré qu'ils étaient seuls sur l'étage, leurs collègues ayant tous testés positifs... Ils se sont transformés en ''transformer'', un moment infirmière, l'autre moment préposé jusqu'à l'accompagnement à la mort, les familles inquiètes ne pouvant pas toujours être présentes.

Cette admiration, je l'ai aussi eu pour une préposé aux bénéficiares en particulier avec qui j'ai échangée lors d'une nuit chez les Soeurs. Cette femme est une survivante du génocide du Rwanda, une victime de violence sexuelle et qui maintenant partage son vécu lors de conférences et documentaire afin d'aider d'autres femmes souffrant dans le silence. Sans cette pandémie, je n'aurais pas renconté autant de gens si inspirants et courageux.

Je n'ai pas été des infirmières qui a du prendre de déchirantes décisions entre deux vies pour un respirateur ... Je n'ai pas été infirmière dans un gros centre désigné... Mais plusieurs scènes m'ont boulversées et quand je pense à certains de mes patients covid, si maigres et assoiffés, il m'arrive d'être triste et de me questionner sur l'impact de tout ça sur mes collègues et moi-même.

En fait ce que j'essaie de partager est que cette pandémie a été très difficile pour tous et l'est encore à différents égards. Il y a eu de précieux moments extrêmement touchants, peut être un peu de positif mais il nous faudra penser bientôt à rebâtir notre personnel soignant qui me semble un peu fatigué...

Peut être commencer par nous redonner nos conditions de travail pour lesquelles nous avons droit et que nos aînés nous ont aidés à négocier afin de protéger notre santé mental et donc nous permettre d'offrir des soins de qualités?

Je crois qu'il est temps de s'occuper de nous afin de se préparer pour une possible deuxième vague.

Le port du masque est un bon début. Maintenant prenons soins de nos soignants svp






Commentaires

  1. jai travailler 16 ans pour des religieuses et si rattache des souvenir fort en emotions...jai aussi eu une collegue Rwandaise survivante du genocide...wow te lire ma boulversée. merci

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